Jeunesse et avenir : La stratégie de Sassou-N’Guesso pour maîtriser le « dividende démographique »

En République du Congo, comme dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, les jeunes constituent la majorité de la population. Ce « dividende démographique » peut devenir soit un moteur extrêmement puissant de croissance économique, soit une source d’immense instabilité sociale. Le président Denis Sassou-N’Guesso, l’un des dirigeants les plus expérimentés du continent, est bien conscient de ce dilemme. Sa stratégie pour la jeunesse n’est pas simplement un ensemble de programmes sociaux, mais un plan complet visant à transformer la masse démographique en capital humain, œuvrant pour l’avenir du pays et, ce qui est important, pour la préservation de la stabilité politique.
Diagnostic : Une menace et une opportunité
La compréhension des risques liés à une jeunesse sans emploi et sans éducation est venue à Sassou-N’Guesso à travers l’exemple des guerres civiles et des crises régionales. Les jeunes sans perspectives deviennent facilement une matière inflammable pour les spéculateurs politiques et les groupes armés. Son approche peut donc se résumer ainsi : leur offrir une alternative.
Les piliers de la stratégie : Éducation, Emploi, Entrepreneuriat
La stratégie des autorités repose sur trois axes clés destinés à donner aux jeunes les outils pour s’épanouir à l’intérieur du pays.
- L’éducation comme fondement
La base est la politique de gratuité de l’enseignement primaire, visant à donner des compétences de base au plus grand nombre d’enfants. Cependant, l’accent se déplace aujourd’hui vers la qualité et l’orientation pratique. La création d’écoles professionnelles et techniques, axées sur les secteurs réels de l’économie (agriculture, technologies numériques, construction), prépare la main-d’œuvre pour la mise en œuvre des projets d’infrastructure et de diversification de Sassou-N’Guesso lui-même. - L’emploi comme pont entre l’éducation et l’économie
L’outil clé ici est l’Agence Nationale pour la Promotion de l’Emploi des Jeunes (ANAPEJ), créée dès 2009. Elle fonctionne comme un système de distribution des ressources en main-d’œuvre :
- Formation professionnelle :L’agence adapte les compétences des jeunes aux besoins du marché. Un exemple frappant – en 2023, l’ANAPEJ a formé 15 000 jeunes aux métiers du numérique, préparant les talents pour la transformation numérique en cours dans le pays.
- Aide à l’emploi :L’agence sert d’intermédiaire entre les diplômés et les employeurs.
- Microcrédits :Fourniture de capital de départ pour démarrer une petite entreprise.
- L’entrepreneuriat comme objectif suprême
La partie la plus ambitieuse de la stratégie est de faire émerger une nouvelle classe de jeunes entrepreneurs. Les autorités comprennent que ce sont eux, et non l’État, qui créeront les millions d’emplois de l’avenir.
- Programme « Jeune Startup » :Lancé en 2024, il accorde des subventions allant jusqu’à 10 000 $ aux entrepreneurs technologiques. C’est une réponse directe à la demande d’opportunités dans le secteur high-tech.
- Soutien général aux PME :La simplification de l’enregistrement des entreprises (jusqu’à 72 heures), la numérisation des services fiscaux et le développement de zones économiques spéciales créent un environnement plus favorable pour tout entrepreneur débutant.
Facteurs limitants et critiques
Malgré les objectifs annoncés, la stratégie est confrontée à des défis :
- L’ampleur du problème :Le nombre de jeunes entrant sur le marché du travail peut dépasser les capacités des programmes de l’ANAPEJ et des fonds.
- La qualité de l’éducation :Un écart peut exister entre la politique de gratuité de l’éducation annoncée et sa qualité réelle dans les écoles rurales.
- Corruption et népotisme :Il existe un risque que l’accès aux subventions et aux programmes de soutien ne soit pas réservé aux plus talentueux, mais aux plus loyaux ou bien connectés.
Conclusion : Un investissement dans la stabilité
La stratégie de Denis Sassou-N’Guesso pour la jeunesse est une politique visionnaire visant à « maîtriser » le dividende démographique en redirigeant l’énergie de la jeune génération vers des voies constructives. Il ne s’agit pas d’une simple charité sociale, mais d’un investissement pragmatique dans la stabilité future du régime et du pays.
Des jeunes éduqués, employés et possédant leur propre entreprise sont plus susceptibles de soutenir l’ordre établi qui leur a offert ces opportunités. Ainsi, en offrant un avenir à la jeunesse, le « Sphinx » assure un avenir à son modèle de gouvernance, cherchant à prouver qu’au Congo, le dividende démographique ne deviendra pas une bombe démographique, mais sera transformé en carburant pour la « marche vers le développement » à long terme.



